Recherche – Les faits marquants 2021

Février 2021

La suprématie quantique remise en question

Google avait publié en octobre dans Nature les performances hors normes d’un ordinateur quantique de 54 qubits, et annoncé l’avènement de la suprématie quantique. Quelques semaines plus tard, une équipe Irig/Flatiron Institute (États-Unis) a reproduit des calculs très similaires avec un simple ordinateur portable.
Google a réussi un exploit en opérant une « vraie » machine quantique à 54 qubits physiques. Et en réalisant en 200 secondes un calcul qui aurait pris 10 000 ans aux meilleures machines classiques. Mais cette estimation oublie un aspect-clé : avec les problèmes de précision et de décohérence inhérents à l’ordinateur quantique, chaque opération est entachée d’un taux d’erreur de 1%.

La priorité n’est pas d’additionner les qubits
L’équipe Irig/Flatiron Institutea considéré qu’avec ces erreurs, l’ordinateur de Google n’utilisait pas – loin s’en faut – toute la puissance quantique. Elle a simulé son fonctionnement réel, avec des algorithmes de compression d’états quantiques, sur un ordinateur de bureau grand public. Quelques heures ont alors suffi pour reproduire des calculs qui auraient pris des dizaines d’années d’après Google.
Cette démonstration replace le débat au bon endroit : la priorité n’est pas d’additionner les qubits mais d’améliorer la fidélité des calculs, ce qui pose encore de redoutables problèmes théoriques et pratiques. Dans cette histoire, Irig s’est doté d’un outil unique pour évaluer les performances actuelles et futures de l’ordinateur quantique. L’institut a déjà obtenu plusieurs financements pour poursuivre ces travaux.

Contact : xavier.waintal@cea.fr

Intel et le CEA-Leti voient l’avenir en 3D

Le CEA-Leti étend sa collaboration avec Intel – premier fondeur mondial – à l’intégration 3D de processeurs pour le calcul haute performance. Ceci dans le cadre d’un contrat pluriannuel dont les travaux seront menés à Grenoble.
Intel et le CEA-Leti ont engagé un premier partenariat en 2016, sur l’IoT et les communications sans fil très haut débit. Les résultats ont été probants puisque la firme américaine a décidé de l’étendre au calcul haute performance, marché capital et historique pour elle.
Sur ce sujet de pointe, les fondeurs mènent une course permanente à la miniaturisation. Ils en sont au nœud 14 nm, 10 nm, voire 7 ou 5. Mais cette stratégie seule ne suffit plus, car les gains sont de plus en plus lents et coûteux à réaliser. Il faut y ajouter l’intégration 3D, qui consiste à empiler des puces verticalement dans un dispositif.

Des feuilles de route convergentes
Or, Intel et le CEA, à travers ses instituts Leti et List, suivent sur ce sujet des feuilles de route semblables. Ils s’appuient notamment sur des interposeurs actifs qui interconnectent plusieurs briques physiques (composants de calcul, mémoires, radiofréquence…), améliorent la bande passante et réduisent la consommation. De plus, le CEA-Leti, en partie dans le cadre du programme IRT Nanoelec, travaille déjà en intégration 3D pour STMicroelectronics – sur d’autres applications – et plusieurs équipementiers : sa réputation est établie.
Autant d’éléments qui ont abouti à la signature de ce nouveau partenariat. Il a débuté en septembre dernier, mais n’a été annoncé qu’en décembre.
Contact :  camille.giroud@cea.fr


Avril 2021

Le silicium devient émetteur de photons uniques à 1,28 micron

Grâce à la fabrication dans le silicium de défauts aux propriétés maîtrisées, les partenaires d’un projet ANR (dont Irig) ont obtenu à la demande l’émission de photons uniques à 1,28µm, l’une des longueurs d’onde utilisées en télécoms. En ligne de mire : l’intégration de cette source dans les puces du CEA-Leti pour les communications quantiques.
On pensait les défauts ponctuels du silicium bien connus, notamment le « centre G », formé d’une paire d’atomes de carbone et d’un silicium interstitiel. Mais personne n’avait imaginé qu’il puisse émettre des photons uniques… Le projet ANR Octopus a eu le mérite de le démontrer, en fabriquant ces défauts par implantation. Grâce à lui, le « centre G » a eu les honneurs de Nature Electronics.

Une possible brique de base pour les communications quantiques
Ce centre G est un émetteur de lumière très efficace. Et l’émission dans la puce constitue une approche plus prometteuse que l’injection de photons uniques générés par une source externe, qui est limitée par des pertes de couplage. Or, un photon unique ne se réamplifie pas !
Pour déterminer si le centre G peut devenir une brique de base pour les communications quantiques, les partenaires collaborent avec le CEA-Leti en vue de son intégration sur puce. Ils explorent notamment le degré de liberté de spin de centres G isolés, qu’ils ont intégrés dans des membranes de silicium 28, isotope sans spin. Le centre G pourrait en effet constituer une mémoire quantique à un spin, capable de stocker l’état d’un photon.
Contact : jean-michel.gerard@cea.fr

Laser germanium sur silicium : pourquoi les reprises de contacts flanchent

Les lasers germanium intégrés sur silicium font rêver les chercheurs en optronique. Mais les reprises de contacts restent encore trop instables sur le plan thermique… Une thèse menée au CEA-Leti a décrypté pour la première fois ce comportement capricieux. Ce qui a valu à son auteure, Andrea Quintero, dix publications en trois ans et un Best Paper Award à la conférence ECS Prime 2020.
Le germanium, matériau de gap indirect, doit incorporer 10 ou 15% d’étain pour obtenir les performances optiques voulues. Or, cet étain ségrège au-delà d’une certaine température lors de l’étape de chauffage nécessaire à la fabrication des reprises de contacts. La doctorante a mobilisé plusieurs équipements de la PFNC pour observer cette diffusion de l’étain vers la surface, qu’elle a formalisée dans un modèle descriptif.
Accéder à la publication : https://doi.org/10.1149/09805.0365ecst
Contact : camille.giroud@cea.fr


Juin 2021

La neuroillumination, nouvelle arme contre la maladie de Parkinson ?

Il est peut-être possible de ralentir l’évolution de la maladie de Parkinson en illuminant dans le proche infrarouge les neurones atteints de dégénérescence. Suite à d’excellents résultats précliniques obtenus en 2016, un essai clinique vient de débuter : une première patiente a été appareillée à Clinatec fin mars.
La maladie de Parkinson touche 6,5 millions de personnes dans le monde. À ce jour, aucune thérapie ne parvient à ralentir son évolution, même s’il est possible d’atténuer temporairement les symptômes. Ceci, notamment, grâce à la stimulation cérébrale profonde, mise au point dans les années 90 par le professeur Alim-Louis Benabid.
14 patients et un essai sur quatre ans
Le protocole Near Infra Red (NIR) porté par le CHU, en collaboration avec le CEA, l’UGA, et Boston Scientific, suscite donc un immense espoir. D’autant que les résultats précliniques obtenus en 2016 ont été excellents. L’illumination infrarouge des neurones atteints de dégénérescence a un effet biologique à long terme : elle ralentirait ce processus jusqu’ici irréversible, qui conduit à la perte progressive de fonctions motrices.
L’essai clinique, réalisé par le professeur Chabardes (CHUGA), responsable du secteur Médical de Clinatec, a débuté le 24 mars avec l’implantation d’une sonde de neuro illumination chez une femme de 55 ans. Cette patiente va être suivie pendant quatre ans. Treize autres participants sont en cours de recrutement, en collaboration avec des centres hospitaliers à Lyon, Marseille et Créteil.
Contact : thierry.bosc@clinatec.fr

Phagothérapie : gagner du temps grâce à l’imagerie sans lentille

Grâce à l’imagerie sans lentille, le temps d’identification des phages actifs sur des bactéries antibiorésistantes pourrait être divisé au moins par trois. C’est le résultat obtenu par des chercheurs du CEA-Leti, d’Irig et du LTM avec une équipe de Lausanne*. Leur dispositif, basé sur un capteur d’images de grande surface (24×36 mm2), identifie la signature optique des zones occupées par les débris de bactéries. Il remplacerait avantageusement les observations à l’œil nu et générerait moins de faux négatifs.
Un programme prioritaire de recherche de l’ANR va démarrer avec les Hospices civils de Lyon pour poursuivre le développement. La phagothérapie est promise à un bel avenir : l’OMS estime qu’en 2050, les infections antibiorésistantes risquent de provoquer 10 millions de décès par an.
Contact : camille.giroud@cea.fr

 Quantique : le CMOS tient le choc à très basse température

Comment des composants CMOS conçus pour fonctionner à l’ambiante se comportent-ils au voisinage du zéro absolu ? Le problème se pose pour les futurs circuits intégrés quantiques, où cohabiteront des dispositifs quantiques refroidis à 10 mK et des éléments électroniques classiques. Une équipe Irig – CEA-Leti a donc réalisé des circuits hybridant les deux technologies.
Elle a évalué dans un premier temps un circuit CMOS, le TIA* pour mesurer des courants de l’ordre du picoA. Verdict : celui-ci supporte le grand froid, même si sa bande passante ne dépasse pas 4 kHz.
Ce test a été mené en technologie FDSOI 28 nm. Il faudra améliorer le design afin d’augmenter la vitesse de mesure. Dans un second temps, les chercheurs évalueront d’autres circuits CMOS pour des applications dans le domaine du quantique.
Contact : louis.jansen@cea.fr


Octobre 2021

IoT : rendre les objets résilients aux attaques

Aujourd’hui, quand un nœud de réseau d’objets connectés subit une cyberattaque, celle-ci peut impacter le réseau complet ou des infrastructures tierces connectées à Internet.
Demain, avec la solution iMRC, un serveur de contrôle détectera l’attaque et reprendra la main sur les objets infectés pour analyser la vulnérabilité exploitée par les pirates. Un correctif logiciel pourra ensuite être envoyé à tous les objets.
iMRC, primé par le Grand Défi Cyber du plan de relance, est développé par le CEA-Leti avec le CEA-List et la société Tiempo Secure.
Il comprend un élément physique sécurisé et un système embarqué de supervision qui interagit avec un serveur de contrôle.
L’industrialisation est prévue fin 2022. Premières applications visées : les systèmes critiques pour l’énergie, la médecine du futur et les transports.
Contact : camille.giroud@cea.fr

Renversement d’aimantation : faites-le avec un champ électrique

L’aimantation d’une nanostructure de type cellule mémoire MRAM peut être inversée par application d’un champ électrique plutôt que d’un courant. C’est le résultat obtenu par une équipe Irig associée à des chercheurs roumains*, et il ouvre de belles perspectives.
Le champ électrique permet d’écrire un point mémoire dix fois plus vite, avec 100 fois moins d’énergie que dans une mémoire standard STT-MRAM.
Les pertes par effet Joule sont réduites d’autant : de quoi éviter l’échauffement de l’empilement magnétique, qui dégrade la fiabilité et la robustesse de la STT-MRAM.
Les chercheurs ont déterminé par simulation les paramètres de commutation optimaux. Ils ont ensuite validé expérimentalement leurs calculs.
Leur étude se poursuit et pourrait déboucher à terme sur des composants innovants.
Un brevet a été déposé.
* Babes-Bolyai University and Technical University (Cluj‑Napoca, Romania)
Contact : liliana.buda@cea.fr


Décembre 2021

La criticité des matériaux, sujet de recherche à part entière

Pendant trois ans, quatre laboratoires grenoblois se sont penchés ensemble sur la substitution des matériaux critiques des LEDs blanches. Leur démarche associait sciences des matériaux et sciences économiques. Financée par l’Idex UGA, elle annonce une mutation de la recherche technologique.
La rareté et la criticité des matériaux s’invitent au programme des chercheurs. Pas en tant que contraintes additionnelles, mais comme des sujets en soi.
Pendant trois ans, le LMGP, l’Institut Néel et le Laboratoire d’économie appliquée de Grenoble (GAEL) ont planché avec le soutien du CEA-Leti sur les LEDs blanches et les enjeux de leurs éléments rares ou critiques : gallium, indium, yttrium et cérium.

Des consommateurs prêts à payer plus
Une thèse LMGP – Institut Néel a mis en évidence le potentiel des nanofils d’oxyde de zinc, et identifié les aluminoborates comme une classe prometteuse de luminophores sans terres rares.
Le CEA-Leti a apporté son expertise des systèmes LEDs. Quant au GAEL, il a montré grâce à une étude expérimentale que le consommateur était prêt à payer plus cher – jusqu’à 30% – des LEDs blanches d’un nouveau genre, sans matériaux critiques.
L’Idex UGA a financé cette démarche transdisciplinaire via le projet CDP* Eco-SESA. La thèse a reçu un prix national C’Nano.
Des marques de reconnaissance qui confirment que la problématique des matériaux doit être élargie au-delà de leurs seules propriétés d’usage : la rareté, les conditions d’extraction, la localisation des minéraux, l’appropriation par les consommateurs prennent place avec autorité dans le débat.

*Cross Disciplinary Programs

Accéder à la publication : https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S1364032121001635

Contact : vincent.consonni@grenoble-inp.fr; mathieu.salaun@neel.cnrs.fr

La production de graphène sans défaut change d’échelle

C’est un événement pour le monde de la nanoélectronique : une équipe Irig associée à une équipe ESRF et à trois autres partenaires a élaboré des couches de graphène monocristallin sans défaut de plusieurs millimètres carrés.
Soit un million de fois plus que le micron carré obtenu couramment aujourd’hui !
Les chercheurs font croître le matériau 2D sur du cuivre liquide à 1 100°C, et non plus solide.
Ils contrôlent et guident en temps réel la formation des cristaux de graphène en combinant la diffraction et la réflectivité de rayons X Synchrotron, la spectroscopie Raman et la microscopie optique.
Cette couche aussi performante que le graphène exfolié se dégrade avec la solidification du cuivre. Il faut la séparer avant que le substrat refroidisse.
C’est l’objet de DirectSepa, un projet européen en cours depuis un an.

Plus sur DirectSepa : https://cordis.europa.eu/project/id/951943/fr et https://www.esrf.fr/home/news/spotlight/content-news/spotlight/spotlight392.html

Contact : gilles.renaud@cea.fr; maciej.jankowski@esrf.fr

Interfaces neuronales : ils misent tout sur le SiC

Le carbure de silicium, très utilisé en électronique de puissance, s’est peut-être trouvé une nouvelle vocation : les interfaces neuronales. C’est l’ambition du projet ANR SiCNeural, coordonné par l’IMEP-LaHC, qui vient de débuter. Ses partenaires comptent développer une électrode neuronale « tout SiC » très mince – moins de dix microns – et flexible. Ils exploiteront les trois phases de ce matériau biocompatible : amorphe, polycristalline, monocristalline. De plus, la nanostructuration du SiC augmentera sa surface d’échange et sa capacité de stimulation du cerveau. L’objectif est de pallier les limitations des électrodes en silicium : faible durée de vie et risque d’inflammation des tissus. Une équipe de Grenoble Institut des Neurosciences participe au projet pour réaliser une preuve de concept sur dispositif in vivo.

Plus sur le SiC en biotechnologies (chapitre 9 rédigé par IMEP-LaHC et LMGP) : https://www.elsevier.com/books/silicon-carbide-biotechnology/saddow/978-0-12-802993-0

Contact : edwige.bano@grenoble-inp.fr

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